L’une des contingences majeures à laquelle le coach doit se confronter est le temps.
Aujourd’hui, une des caractéristiques de notre époque est que « tout va plus vite ». Les progrès technologiques ont incurvé la courbe des changements sociologiques, politiques et économiques et relationnels de façon vertigineuse avec son accélération phénoménale. Changements qui demandent une intelligence remarquable d’adaptation et de transformation.
Cette période de crise sociétale que nous vivons est en partie l'une des conséquences de ces progrès. Leurs symptômes dans les entreprises sont à la fois individuels (Burn Out, Bore Out, Quite Keeping…), sociaux (Gilets Jaunes, Grèves, Télétravail) et organisationnels (réintroduction des cycles de production, plan de relance écologique, quota homme/femm).
Comment le coach s’inscrit dans ce mouvement d’accélération ? Quelle est sa valeur ajoutée dans cette évolution et sous quelles conditions ? Voilà les questions auxquelles nous allons essayer de répondre.
Lorsque le coaching est apparu en France et dans les entreprises dans les années 80, il touchait de façon préférentielle les strates décisionnelles. Concrètement, il était destiné aux Directeurs des entreprises.
Aujourd’hui, le coaching n’est plus l’apanage des Directeurs, de leurs COMEX ou CODIR. Il est proposé plus largement aux managers et à leurs équipes. Il s’est, en quelque sorte, « démocratisé » à l’ensemble des strates opérationnelles et décisionnelles de l’Entreprise. Cette démocratisation a amené plusieurs conséquences :
Les coachs sont alors soumis à de contingences qui se sont modifiées dans leurs métiers.
Une de ces contingences est celle du temps. Cette notion a toujours existé et est même une pièce maîtresse du coaching. Le coaching s’inscrit effectivement depuis sa définition avec un début et une fin. Mais là où le temps pouvait être allongé dans le cas d’accompagnement des Directeurs à un an, voire plus, il est aujourd’hui réduit à des durées beaucoup plus faibles. 3 à 6 mois, voire même parfois se réduit à une séance de coaching flash.
L’autre facteur appartenant à cette évolution est la notion de fréquence. Si un coaching était, là encore, défini par le nombre de séances nécessaires et proposées par le coach, aujourd’hui ce nombre de séances se limite à une ou deux séances. Sans compter que le rythme peut occasionnellement même être imposé par le Client – Entreprise.
Enfin, les coachs doivent faire face à des managers qui sont sous des contraintes multiples avec des temps de séances diminuant, et passant souvent de 90 minutes à 60 minutes, voire quarante cinq minutes.
Devant ces changements, la tendance actuelle est de répondre au besoin de l’Entreprise en « faisant un peu plus » de ce que nous savons faire, c’est à dire s’adapter.
Ainsi, l’apparition depuis quelques années de plateforme de coach répond en partie à ces conséquences et besoins. En effet, ces plateforme, sorte de vulgarisation du métier, permettent aux entreprises d’offrir à leurs managers des îlots de coaching en maîtrisant ses coûts. Les entreprises peuvent faire appel à des plateformes qui mettent à disposition de leurs managers, des coachs pouvant très rapidement et selon des protocoles de sélection, intervenir auprès d’eux ou encore, mettre en place lors de projets un compte « coaching » permettant aux managers de pouvoir avoir recours à un coach.
De plus, on peut noter une augmentation dans les entreprises de coach interne qui auront comme rôle d’accompagner les collaborateurs dans leurs difficultés. Cette action est souvent menée en plus des missions opérationnelles des coachs. Encore une fois, le temps s’accélère pour les coachs internes.
L’action du coach s’inscrit dans le temps. Ainsi, contrats, durée des séances, fréquences des séances, Objectifs SMART sont autant de preuves d’une action qui est marquée dans le temps.
Néanmoins, la posture du coach est enracinée dans l’« ici et maintenant ». C’est en ce sens que le coach a le devoir d’offrir au Coaché un espace (l’ici) qui par son caractère de contact avec le présent (le maintenant) va lui permettre de s’émanciper de la contingence du temps.
De mon point de vue, cette notion est capitale pour une action d’accompagnement de type Coaching. Cela permet du côté du Coaché de prendre le recul nécessaire à son travail de réflexion, d’élaboration et d’innovation. Le Coach, quant à lui, peut rester centrer sur la relation sur laquelle il peut agir pour créer les bonnes conditions pour le Coaché de modification de son comportement et d’atteinte de ses Objectifs.
Cette posture singulière du Coach réside sur sa capacité à se mettre en Position Méta. La position Méta est définit par François Delivré comme étant «cette faculté que tout être humain a de se décentrer de lui-même en ayant conscience à la fois du contenu et du processus (1) » et par François Souweine comme « l’un des savoir-faire du coach qui participe à la combinatoire permettant l’installation de l’intelligence de la Relation en Coaching et son maintien (2) ».
Cette faculté, ce savoir-faire est sous-tendu par l’aptitude pour le coach d’être en pleine présence dans le coaching. Il est donc essentiel, avant chaque séance de coaching d’avoir ce temps qui permet de retrouver la pleine présence. Cela passe pour certains par l’utilisation des techniques de méditation, pour d’autres par l’utilisation par exemple de processus issus de l’hypnothérapie. Cette attitude entre en confrontation directe avec les temps des contrats, des séances, de la réalisation des objectifs.
En tous les cas, l’enjeu est, plus encore aujourd’hui avec l’utilisation des écrans, d’être pleinement présent à soi, à l’autre, à la relation et au cadre du coaching.
En conclusion, il est clair que l’accélération du temps et des crises temporelles de ces deux dernières années ainsi que de ses conséquences ont un impact sur l’entreprise en général et sur le coaching et son action. Néanmoins, si l’Entreprise veut bénéficier, pour son adaptation et sa transformation, pleinement de la valeur ajoutée du coaching, elle devra s’engager à reconnaître, non pas l’obligation de succès du coaching mais, son obligation de moyens.
Du côté du coach, la reconnaissance des nouvelles contingences est une nécessité dans son action d’accompagnement. Il devra cependant à chaque séance de coaching, offrir de par sa pleine présence, les conditions atemporelles nécessaires pour permettre l’innovation, la création de nouveaux comportements managériaux essentielle et indispensable à l’évolution de l’Entreprise.
(1) le Métier de Coach – François Delivré
(2) L’intelligence de la Relation en Coaching – François Souweine
De mon point de vue, ceci a plusieurs effets sur les coachs :
La notion d’efficacité versus la notion d’efficience :
Ce qui différencie ces deux notions porte essentiellement sur le temps. Si l’efficacité est mesurée sur la réalisation de l’objectif du coaching, l’efficience introduit le facteur « temps » en tant que ressources dans son équation. Le client – Entreprise demande légitimement un droit de regard sur le coaching et sur ce qu’il amène pour l’Entreprise. Le paradigme sous-tendu par la réalisation d’objectifs SMART entraîne la notion d’« obligation de résultats » dont le coach doit se garder.