On entend beaucoup parler actuellement de méditation de Pleine conscience.
Mais quel peut être son apport dans l’exercice du coaching ?
"Les attitudes fondamentales que le coach doit développer sont très largement partagées, et si l’on se réfère à un grand aîné, Carl Rogers, on se souviendra de l’importance qu’il accordait à la congruence, au respect inconditionnel de son client ainsi qu’à sa compréhension empathique. Et si le jeune coach est tenté par ce métier c’est très probablement qu’il a des dispositions pour ces attitudes. Mais ensuite, dans l’exercice de son métier au quotidien, comment faire pour éviter les jugements de valeur sur l’autre ? Pour l’accueillir inconditionnellement alors qu’il ressent de l’énervement quand son client est en retard, se répète ou fuit dans des explications artificielles ? Comment rester à l’écoute, sans projet, et vraiment empathique ? Dans son livre L’intelligence de la relation en coaching, François Souweine note l’importance pour le coach de la pratique du Yoga Nidra, du Hatha Yoga ou de la Pleine conscience. Examinons plus précisément ce qu’il en est pour cette dernière.
Appelée Pleine conscience, voire Pleine présence par certains, cette forme de méditation est sans doute la plus simple et aussi la plus essentielle. Il s’agit de se rendre présent à son expérience, toute son expérience, sans la limiter à notre fonctionnement mental. Etre présent aux messages de nos sens, à nos sensations corporelles, nos ressentis émotionnels, sans se laisser absorber par ses pensées qui ramènent en arrière ou déportent vers le futur. Celui qui pratique la méditation de Pleine conscience va apprendre peu à peu à laisser aller ses pensées sans s’y accrocher, à les considérer pour ce qu’elles sont, aussi menaçantes ou attrayantes soient-elles : une production mentale qui bientôt s’évanouira. Cela l’amènera à découvrir qu’il est possible de vivre l’instant directement, pleinement en prise avec sa sensorialité et ses ressentis.
Le psychiatre Christophe André note très justement que la pratique de la Pleine conscience engage à développer trois apprentissages, qui découlent de cette première disposition et qui vont à l’encontre de ce que nous nous sommes habitués à faire.
Il s’agit d’abandonner le fait qu’une méditation puisse être « bonne » ou « mauvaise »... Ici aussi, celui qui s’y adonne est encouragé à voir le jugement émerger et ne pas se laisser entraîner par lui : juste une pensée... qui passe si on ne la saisit pas.
accepter la réalité telle qu’elle est. Il fait chaud ? Il fait chaud ! Je suis fatigué ? Hé bien je suis fatigué ! Je me sens triste ? C’est ainsi, je me sens triste. Ne pas chercher à modifier son expérience, la « manipuler » d’une quelconque manière, mais la laisser être, la laisser s’épanouir en soi...
Au-delà de l’apparente contradiction avec le fait de méditer pour être plus serein, ou en bonne santé, ou travailler sa posture de coach... il s’agit là d’être présent pour la présence en soi, sans rien d’autre, accueillir ce qui se présente dans l’instant. Accueillir, voilà le grand mot de ce drôle d’exercice de rester assis, immobile. Accueillir qui je suis alors, ce qui m’environne, ceux qui m’entourent... Accueillir pleinement mon expérience, me détendre dans cette expérience.
Et d’un simple exercice de maintenir délibérément son attention sur l’instant présent, nous entraînent à modifier notre regard sur notre façon de vivre.
L’un des avantages de la méditation de Pleine conscience, et pas des moindres, est de nous fournir un moyen de nous entraîner. Quand on devient coach, une question forte peut être mais comment puis-je développer la qualité de relation à l’autre, mon attention dans une séance de coaching, ou ma sensibilité à l’autre, mon empathie ? La Pleine conscience nous offre ici une pratique qui est un entraînement, dont les effets vont se renforcer jour après jour. Pour les Asiatiques qui sont à l’origine de ces techniques, l’homme possède virtuellement de grandes capacités qui peuvent être développées par un entraînement bien mené. Et ceci est confirmé par les études en neurosciences qui mettent en évidence combien le cerveau d’un méditant (mais pas seulement le cerveau) diffère de celui d’une personne n’ayant jamais pratiqué cet exercice.
En premier, retrouver une capacité d’attention détendue à ce qui est dans l’instant présent va permettre d’entrer dans l’espace et le temps de la rencontre avec l’autre, en ayant abandonné toute préoccupation autre. Un coach qui sort d’un entretien difficile, ou d’un déplacement harassant, peut très bien avant une séance pratiquer un moment de Pleine conscience : reprenant contact pleinement avec ses sensations physiques, ses perceptions, sa respiration, il pourra se recentrer sur le présent et ajourner les pensées qui se pressent sans cesse. Le client qui va se présenter, c’est dans la clarté de l’instant qu’il va le rencontrer, un peu comme si c’était la première fois, sans a-priori, sans projet, librement. Avec un peu d’entraînement, le coach pourra ressortir d’un moment de Pleine conscience rafraîchi, disponible, ouvert, émotionnellement serein. Avec cet « esprit du débutant » particulièrement précieux dans cette rencontre avec l’autre.
Ouvrant l’espace de l’attention, la Pleine conscience permet au coach de porter une attention sans mélange à ce que dit, mais aussi manifeste par son langage corporel, son client, recevant ainsi des informations fines par le rythme de la respiration, la qualité de la voix, les intonations de son client. En ce sens, cette attention est distincte de la fameuse «attention flottante» de la psychanalyse prise parfois comme base de celle utilisée dans le coaching.
La Pleine conscience est également utile à un autre niveau : elle va permettre au coach d’être pleinement en contact avec ses ressentis, si utiles dans l’exercice du coaching. Ce sont ces signaux internes qui vont lui permettre de mieux capter ce que se passe dans cet espace qu’il partage avec son client. Ce que le coach peut expérimenter alors est un état de présence à soi et à l’autre, dans un état de transparence, de retrait de ses préférences égotiques. Ainsi le terme Pleine présence est-il sans doute plus juste que celui de Pleine conscience.
A ce niveau, la Pleine conscience constitue une voie pour entraîner le coach à développer le non jugement et l’acceptation inconditionnelle de l’autre. Le non jugement n'est pas l'absence de jugement sur l’autre, car sous forme de pensées les jugements abondent chez le coach pratiquant la Pleine présence comme chez tout autre. Seulement, quand il en prend conscience, il s’est entraîné à ne pas les suivre, à éviter de les « cristalliser ». Cela lui donne alors une information sur son cadre de références, ce qui est toujours pour lui bienvenu. Avec l’acceptation inconditionnelle de l’autre nous touchons aux effets profonds de l’exercice de la Pleine présence. Car cette acceptation que l’autre va ressentir, favorisera chez lui une ouverture, propice au fait de dénouer les nœuds anciens. Cet état de présence à soi et à l’autre va de pair avec un accroissement de la sensibilité ; l’empathie chez le coach s’en trouve développée, au sens de partager ce que vit son client dans toutes ses dimensions, notamment émotionnelles, tout en restant distinct de lui. Mais certaines pratiques de Pleine conscience permettent également de développer cette qualité du cœur que les Indiens dénomment maitri, c’est-à-dire la bienveillance en ce qu’elle a de plus authentique et de plus profond, base de l’amour et de la compassion. Ne s’agit-il pas là de l’un des fondements de l’art de coacher ?"